Compte rendu de Tissot, Women and Time : Une journée d’étude à l’AGO

 

Compte-rendu de Marie-Jeanne Morasse (UdeM

Journée d’étude organisée dans le cadre de l’exposition « Tissot, Women and Time » à la Art Gallery of Ontario (AGO)

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James Tissot, The Newspaper, 1883, Etching and drypoint; published state Dimensions: Plate: 37.8 × 29.4 cm. Sheet: 55.5 × 36.3 cm, The Metropolitan Museum of Art, New York. Image domaine public. 

Par Marie-Jeanne Morasse (Doctorante, Histoire de l’art, UdeM)

Tissot, Women and Time: A Study Day at the AGO

On June 2, 2025, the Art Gallery of Ontario hosted Tissot, Women and Time, a study day organized by Professor Mary Hunter from McGill University. This gathering brought together scholars to analyze James Tissot’s complex representations of femininity in late 19th-century Paris and London through four insightful presentations that explored themes of autonomy, gendered spectatorship, and specifically feminine temporalities in modern life.
The day began with an introductory session by Alexa Greist (AGO’s Assistant Curator of Prints and Drawings), Caroline Shields (AGO’s Curator of European Art), and Mary Hunter. Their presentation established the exhibition’s conceptual framework, focusing on Tissot’s exploration of feminine temporalities – those suspended moments between social constraint and emerging female subjectivity.

Alison Syme (University of Toronto) opened the presentations with an in-depth study of The Hammock (1880), a centerpiece of the Sickness and Seduction section. Her analysis revealed how the dual versions (painting and etching) of this composition created a unique temporal dialectic – a kind of suspended time. The tension between the hammock’s sensual curves and the nearly still-life precision of its surroundings was interpreted as metaphor for bourgeois feminine contradictions.

Marie-Jeanne Morasse (Université de Montréal) then offered a reading of The Newspaper (1883) from the Autonomy and Morality series. Her examination highlighted the paradox of the literate Parisienne – simultaneously object of masculine desire and thinking subject. Particular attention to the technical specificities of etching strengthened the interpretation of this work as a subtle manifesto of female intellectual emancipation.

Allison Morehead (Queen’s University) provided an illuminating comparative analysis of The Convalescent (1872). By contrasting this representation of ostentatious elegance with Waiting (1873) – where markers of illness are explicit – she uncovered the implicit social critique in Tissot’s treatment of feminine appearances.

 Sarah Mousseau (McGill University) concluded the presentations with a current reinterpretation of The Shop Girl (1883-85) from the Women of Paris section. Her spatial approach demonstrated how compositional thresholds and ambiguities reflected shifting social identities in the 19th century, offering stimulating perspectives for contemporary gender studies.
The study day brilliantly illuminated Tissot’s dual nature as both technical master and subtle social chronicler. Collectively, the presentations revealed how his work provides a unique prism for understanding women’s strategies in negotiating modern public space. The continued relevance of these questions gives Tissot’s art particular resonance today, making this event a significant moment for art history and gender studies scholarship.

 

Compte rendu de Tissot, Women and Time : Une journée d’étude à l’AGO

Le 2 juin 2025, l’Art Gallery of Ontario a accueilli une journée d’étude organisée par la professeure Mary Hunter de l’Université McGill, dans le cadre de l’exposition Tissot, Women and Time. Cet événement a rassemblé des chercheur.euse.s pour analyser les représentations complexes de la féminité de la fin-de-siècle à travers l’œuvre de James Tissot. Les quatre interventions ont exploré avec acuité comment l’artiste abordait les enjeux d’autonomie, de regard genré et de temporalité spécifiquement féminine dans la modernité naissante.
La journée s’est ouverte par une introduction conjointe d’Alexa Greist (conservatrice adjointe des estampes et dessins à l’AGO), Caroline Shields (conservatrice de l’art européen à l’AGO) et Mary Hunter. Leur propos a établi le cadre conceptuel de l’exposition, centré sur l’exploration des temporalités féminines chez Tissot – ces moments suspendus entre contrainte sociale et émergence d’une nouvelle subjectivité féminine.

Alison Syme (Université de Toronto) a inauguré les présentations avec une analyse approfondie de The Hammock (1880), pièce maîtresse de la section Sickness and Seduction. Son intervention a mis en lumière comment la double version (peinture et gravure) de cette composition créait une dialectique temporelle unique. La tension entre les courbes sensuelles du hamac et le rendu minutieux de l’environnement, proche de la nature morte, a été interprétée comme une métaphore des contradictions de la condition féminine bourgeoise.

Marie-Jeanne Morasse (Université de Montréal) a ensuite proposé une lecture novatrice de The Newspaper (1883), appartenant à la série Autonomy and Morality. Son analyse a particulièrement éclairé le paradoxe de la Parisienne lettrée – à la fois objet du désir masculin et sujet pensant. L’attention portée aux spécificités techniques de la gravure a renforcé l’interprétation de cette œuvre comme manifeste discret d’émancipation intellectuelle féminine.

Allison Morehead (Queen’s University) a proposé une analyse comparative particulièrement éclairante autour de The Convalescent (1872). En confrontant cette représentation d’une élégance ostentatoire avec Waiting (1873), où les marques de maladie sont explicites, elle a révélé la critique sociale implicite dans le traitement par Tissot des apparences féminines.
Sarah Mousseau (Université McGill) a conclu les présentations avec une relecture actuelle de The Shop Girl (1883-85), issue de la section Women of Paris. Son approche spatiale a démontré comment les jeux de seuils et d’ambiguités compositionnelles reflétaient les identités sociales mouvantes du XIXe siècle, offrant des perspectives stimulantes pour les études de genre contemporaines.
Cette journée d’étude a mis en lumière la double dimension de Tissot : maître technique et chroniqueur des mutations sociales de son époque. Les différentes interventions ont collectivement révélé comment son œuvre offre un prisme unique pour comprendre les stratégies par lesquelles les femmes négociaient leur place dans l’espace public moderne. La pertinence actuelle de ces questionnements confère à l’art de Tissot une résonance particulière dans notre contexte contemporain, faisant de cette journée un moment important pour les études en histoire de l’art et en étude sur le genre.