Avec l’essor de la colonisation en Nouvelle-France au 18^e siècle, de nouveaux écrits proto-ethnographiques, naturalistes ainsi que des représentations d’Amérique du Nord émergent en France. Au centre de cette production écrite se trouve un recueil exceptionnel intitulé les Anecdotes de notre temps. Jean Fréderic Phélypeaux de Maurepas (1701-1781), secrétaire d’État à la Marine de 1715 à 1749, a supervisé la création de cet ensemble distinctif composé de 52 volumes manuscrits. L’ensemble de ces volumes couvrant la période de 1715 à 1736 forment un recueil éclectique regroupant des anecdotes, des estampes, des dessins, des cartes et des échantillons liés au règne de Louis XV en France et dans les colonies. Fréquemment, ces textes sont agrémentés d’encadrements ornés et colorés. La palette chromatique des ornements relatifs à l’Amérique du Nord dans le Recueil Maurepas, élaboré dans les bureaux du Ministère de la Marine, a-t-elle contribué à la construction d’une identité visuelle des nations autochtones dans la France des Lumières ? En intégrant les recherches de Nancy Shoemaker[1] et en les confrontant à des perspectives historiographiques plus contemporaines, cette étude vise à éclairer la diversité et la perception de la palette chromatique associée aux nations autochtones d’Amérique du Nord dans le Recueil Maurepas. À travers une étude approfondie des significations culturelles, sociales et politiques intrinsèques aux couleurs, nous verrons comment ces éléments visuels colorés ont pu jouer un rôle distinctif dans la création de l’imaginaire et de l’identité visuelle propre aux Autochtones.

[1] Nancy Shoemaker, « How Indians Got to be Red », American Historical Review, juin 1997, p. 625-644.