28 octobre 2022 de 15h30 à 17h00
Sous la direction de Christina Contandriopoulos et Andréanne Martel, avec les présentations de…
Dans le cadre du Congrès annuel de l’UAAC/AAUC à l’Université de Toronto
Publié sur le site du Laboratoire d’Histoire et du Patrimoine de Montréal (LHPM)
Le Congrès annuel de l’Association d’art des universités du Canada (AAUC-UAAC) s’est déroulé du 27 au 29 octobre 2022 à l’Université de Toronto. Cette rencontre scientifique portant sur les arts visuels aborde des questions et des sujets portant sur l’histoire de l’art, la théorie et la pratique selon diverses approches méthodologiques. Le 28 octobre a eu lieu la séance « Cartographie de l’ordinaire », organisée par Christina Contandriopoulos, professeure au Département d’histoire de l’art de l’UQAM et cochercheuse au Laboratoire, ainsi qu’Andréanne Martel, candidate à la maîtrise en histoire de l’art et membre étudiante du LHPM. Ce panel rassemblait les présentations de trois conférenciers, dont celle de Valeria Téllez Niemeyer, doctorante en histoire de l’art et membre étudiante du Laboratoire.
Comme le soulignent les organisatrices, visuellement, les cartes sont des documents difficiles à classer. Souvent banales et anonymes, elles diffèrent peu les unes des autres, régies par des conventions graphiques rigides. Elles représentent, de plus, des composantes discrètes du territoire comme les infrastructures ou les ressources. Les cartes traduisent l’invisible du paysage. Depuis les travaux séminaux de Brian Harley dans les années 80, les historiens ont beaucoup insisté sur le pouvoir des cartes et les pratiques critiques ou radicales y étant associées, mais qu’en est-il de l’ordinaire? C’est sur cette question que se sont penchés les conférenciers, qui ont, dans le cadre de leurs recherches respectives, analysé des cartes à partir d’approches diversifiées, inclusives et interdisciplinaires qui interrogent les cartes ordinaires, banales ou conventionnelles.
La présentation de Valeria Téllez Niemeyer portait sur les Représentations cartographiques de l’éclairage électrique à Montréal. Le réseau de la Royal Electric Company (1901). Elle restituait les débuts de l’éclairage électrique à Montréal et examinait son évolution à travers l’étude de représentations cartographiques. Valeria démontrait comment les infrastructures d’éclairage, au début du XXe siècle, ont été au centre des décisions urbaines. Les premiers réseaux électriques ont inondé les rues de poteaux et de fils électriques, suscitant à la fois méfiance et enthousiasme au sein de la population. Face à la coexistence chaotique de ces infrastructures techniques, la cartographie est alors apparue comme un outil nécessaire pour rendre lisible le tissu urbain de l’époque. L’une des cartes les plus remarquables date de 1901 et provient de la Royal Electric Company, le plus important fournisseur d’éclairage électrique de l’époque. La carte, d’apparence banale et dépourvue de qualités esthétiques, se veut une transcription technique et objective de la réalité. L’éclairage électrique est présenté sous une forme abstraite et simplifiée; ce qui semble être révélé n’est pas la lumière elle-même, mais le désir d’éclairage à travers une forme de gouvernance du territoire urbain. Dans cette présentation, Valeria abordait les cartes comme des documents d’enquête, pour comprendre comment l’éclairage électrique a affecté la manière de construire, de représenter et de percevoir la ville.
La conférence de Laure Bourgault, candidate au doctorat en histoire de l’art à l’UQAM, s’intitulait quant à elle Évacuation et refoulement : anthropomorphiser les infrastructures hydrauliques urbaines. À travers une collection de cartes et d’articles de journaux issus des archives de la Ville de Montréal, Laure s’interrogeait sur les motifs derrière l’emploi de métaphores anatomiques dans les discours sur le réseau montréalais d’évacuation des eaux usées. Cet exemple d’anthropomorphisation d’une infrastructure urbaine, loin d’être exclusif au contexte montréalais, s’inscrit au contraire dans une vaste tradition faisant de l’image et de l’organisation du corps humain un système permettant de penser à d’autres systèmes articulés – en particulier les « corps » urbains. Laure observait comment, paradoxalement, le fait d’attribuer aux égouts des caractéristiques (physiques, psychiques) humaines permet aux sujets de tenir à distance ce qui les lie matériellement aux eaux qui s’écoulent sous la ville, soit leur propre appartenance à l’environnement hydraulique urbain.
Finalement, la présentation de Hugues Lefebvre-Morasse, étudiant à la maîtrise en design de l’environnement à l’UQAM, s’intitulait Atlas du cruising au Québec : désirs, surveillance et potentialités queers dans la création et la transgression cartographique. Grâce à un travail sur le terrain, ce projet proposait un inventaire des territoires, paysages et conditions matérielles du cruising et de sa surveillance au Québec. Il s’agit d’une pratique discrète (et non pas secrète) lors de laquelle des hommes se retrouvent dans l’espace public pour s’adonner à une sexualité souvent anonyme et expéditive : même ayant lieu loin des regards, le phénomène est connu et médiatisé autant au sein de la communauté gaie qu’auprès du grand public, que ce soit par l’entremise de modes de diffusion intracommunautaires, de produits culturels, de paniques morales médiatiques ou encore de la toponymie populaire. En s’inspirant de la cartographie populaire gaie — autant les guides de voyages gais du 20e siècle que les applications et sites web dédiés spécifiquement au cruising —, il intègre, mais aussi incarne les espaces, les spatialités et les processus de spatialisation propres au phénomène.
Nul doute que ces communications ont permis de concevoir la cartographie sous un nouvel angle!
Hugues Lefebvre Morasse (Université du Québec à Montréal)
Atlas du cruising au Québec : désirs, surveillance et potentialités queers dans la création et la transgression cartographique
Laure Bourgault (Université du Québec à Montréal)
Évacuation et refoulement : anthropomorphiser les infrastructures hydrauliques urbaines
Valeria Téllez Niemeyer (Université du Québec à Montréal)
Représentations cartographiques de l’éclairage électrique à Montréal (1879-1901)
Visuellement, les cartes sont des documents difficiles à classer. Souvent banales et anonymes, elles diffèrent peu les unes des autres, régies par des conventions graphiques rigides. Elles représentent, de plus, des composantes discrètes du territoire comme les infrastructures ou les ressources. Les cartes traduisent l’invisible du paysage. Depuis les travaux séminaux de Brian Harley dans les années 80, les historiens ont beaucoup insisté sur le pouvoir des cartes, les pratiques critiques ou radicales mais qu’en est-il de l’ordinaire? Dans le cadre de cette séance, trois conférenciers analysent des cartes à partir d’approches diversifiées, inclusives et interdisciplinaires.
Mots clés : cartographie, infrastructure, paysage, territoire