Séance ouverte / Open Session

28 octobre 2022 de 13h30 à 15h00 (P1) et de 15h30 à 17h00 (P2)

Sous la direction de Béatrice Denis et Ersy Contogouris, avec les présentations de…

Dans le cadre du Congrès annuel de l’UAAC/AAUC à l’Université de Toronto

Charles Philipon. Croquades faites à l’audience du 14 novembre (Cour d’Assises). Lithographie publiée en supplément de La Caricature, le 24 novembre 1831.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

Charles Philipon. Croquades faites à l’audience du 14 novembre (Cour d’Assises). Lithographie publiée en supplément de La Caricature le 24 novembre 1831.

Par Béatrice Denis (doctorante en histoire de l’art, UdeM)

Dans les salles somptueuses du Hart House, l’Université de Toronto a accueilli, du 27 au 29 octobre 2022, le premier congrès de l’AAUC en présentiel depuis le début de la pandémie. Rien à voir en effet avec les deux dernières éditions, qui ont eu lieu en ligne. La session ouverte du RAA19 y était de retour, avec des présentations variées, à l’image du champ de la recherche actuelle sur le 19e siècle.

Les approches démontrées, dont les études matérielles, cultures visuelles, études monographiques d’artiste et d’objets ou analyses formelles; ainsi que les objets analysés, d’images à des livres, en passant par des collections, plantes, bonbons et trésors, ont su capter l’attention du public présent pour les deux parties de la session.

Le manuel The School of Raphael : The Student’s Guide to Expression in Historical Painting, publié pour la première fois en 1759 et réédité au courant du 19e siècle, fut l’objet principal de la présentation de Christina Smylitopoulos, professeure agrégée à l’Université de Guelph. Le manuel était au cœur d’un riche propos sur l’illustration de livres, la peinture d’histoire et la constitution et l’édification du goût en Angleterre au début du 19e siècle. Le manuel, un recueil d’estampes illustrant la tête humaine, basé sur les cartons de Raphaël pour les tapisseries de la chapelle Sixtine, était destiné aux artistes et faisait partie d’efforts institutionnels visant à élever la peinture anglaise.

Camilla Murgia, invitée par le RAA19, première assistante en histoire de l’art contemporain à l’Université de Lausanne, a ensuite abordé la question de l’espace dans le Paris du premier Empire. L’espace – culturel, artistique, marchand – doit être envisagé comme un cadre intellectuel qui peut retracé par l’image. Murgia a ainsi illustré son propos d’estampes et de peintures (Monsaldy; Demachy) qui représentent ces lieux et leur foule, leur achalandage, leur parcours, sensible à la façon dont ces lieux réagissent à leur popularité. Parmi les lieux discutés, on compte le Salon et ses multiples espaces, mais aussi la grande galerie du Louvre, les boutiques d’estampes, les confiseries, ou encore l’Exposition publique des produits de l’industrie française (1798; 1806).

Le premier empire a ensuite été délaissé pour faire place à la monarchie de Juillet et à la présentation de Marie-Lise Poirier, doctorante en histoire de l’art à l’Université du Québec à Montréal. Poirier s’est penchée sur la caricature séditieuse de Charles Philippon, qui a le premier caricaturé le roi Louis-Philippe en poire (1831). La lithographie, en plein essor dans les années 1830, devient le médium de la caricature, publiée principalement dans les journaux illustrés. C’est ce réseau qui est frappé, en 1835, des lois sur la censure de Louis-Philippe, dont l’autorité politique était certes minée par cette association fruitière. Les caricaturistes ont cependant contourné cette censure, la seule poire étant devenue métonymique de Louis-Philippe, de la bourgeoisie, et de la politique du juste milieu. Poirier a ensuite analysé la portée de la caricature au vu de théories sur la psychologie des foules et de la peur du rire.

La première partie de la session s’est terminée avec la seule incursion du côté de la sculpture et de l’architecture, avec la présentation de Justine Gain, doctorante en histoire de l’art à l’École du Louvre et l’École pratique des Hautes Études. C’est en effet la sculpture d’ornement qui était à l’honneur, Gain ayant présenté l’œuvre de Jean-Baptiste Plantar, ornemaniste prolifique, actif durant la majeure partie du 19e siècle. Gain a démontré en quoi l’œuvre sculptée de Plantar, dispersée entre châteaux, lieux publics et églises à Paris et en région française, était représentative de l’éclectisme architectural propre à la période. Plantar a en effet dû créer et restaurer des ornements (Fontaine de Neuilly; Galeries historiques de Versailles) devant se fondre dans des décors faisant référence à l’antiquité, au Moyen âge, à la Renaissance et à l’époque classique.

La deuxième partie de la session a débuté dans le monde décoratif avec la présentation de Sarah Alford, professeure adjointe à l’Université du Manitoba. Alford a traité de botanique artistique, qui consiste à recréer dans la forme décorative les lois naturelles de la structure et de la croissance des plantes. Cette pratique, née du Design Reform Movement britannique, a donné lieu à un renouvellement des motifs décoratifs, dorénavant basés sur des principes botaniques. Les patrons, papiers peints ou encore les motifs tirés de manuels de design d’Owen Jones et de Christopher Dresser, entre autres, ont été donnés en exemple. Alford a terminé avec un aperçu de sa propre pratique artistique qui émule ces principes botaniques.

Linca Kucsinschi, doctorante en histoire à l’Université Jean Moulin Lyon 3, a ensuite fait l’historique d’exposition du trésor de Petrossa (4e siècle), un mélange d’objets précieux découvert en 1834 en Roumanie. Le trésor a été présenté à l’exposition universelle de Paris en 1867, puis au musée de South Kensington à Londres. Kucsinschi a démontré en quoi ce parcours à l’étranger a d’une part augmenté la valeur culturelle du trésor en Roumanie même et a, d’autre part, donné lieu à des relations diplomatiques avec ces grandes puissances, alors que le royaume de la Roumanie s’unifiait et se constituait en État.

La session avançait vers la fin du 19e siècle avec la présentation de Lucile Cordonnier, doctorante en histoire de l’art à l’Université McGill. L’art du groupe des Nabis, et plus spécifiquement de Maurice Denis, était à l’honneur, donnant lieu à une réflexion sur la place de la temporalité dans la sphère visuelle. Cordonnier a démontré comment le bois devient un personnage narratif actif au sein des compositions de Denis, avec ses deux études de cas Avril (1891) et Les Muses (1893). Cordonnier base son propos sur une analyse formelle minutieuse permettant de cerner la narrativité des images, faisant communiquer entre eux les différents éléments de chaque composition pour révéler une temporalité propre à l’empilement des plans, aux aplats, aux cernes ou aux vides, entre autres.

Pour clore la session, Jeremy Reeves, doctorant et conservateur adjoint au Bard Graduate Center de New York, a présenté une recherche stimulante sur la présence d’armes et d’armures indiennes dans les collections privées de Richard Wallace et du Prince de Galles Albert Édouard, collections constituées dans la deuxième moitié du 19e siècle. C’était le constat de Reeves que cette présence performait une masculinité impérialiste, les collections habitant des espace genrés (smoking room, par exemple) de leur maison privée respective (Hertford House; Marlborough House du Palais de Sandringham) et répondant à une anxiété impérialiste causée par la Rébellion indienne (1857). Impérialisme et masculinité sont interreliés dans l’analyse offerte par Reeves de la présentation de ces collections dans des espaces privés et publics, souvent devant une audience composée de militaires de carrière qui répondent de cette relation. Les objets de provenance indienne devenaient ainsi des accessoires symboliques d’une identité martiale et impériale.

La session s’est conclue après ces riches échanges sur le long 19e siècle. Rendez-vous l’année prochaine à Banff pour le Congrès AAUC 2023!

Christina Smylitopoulos (University of Guelph)
The School of Raphael: Formal Analysis and the British School of Art and Illustration

Camilla Murgia (Université de Lausanne)
Un binôme inédit ? Art et espace dans le Paris du Premier Empire

Marie-Lise Poirier (Université du Québec à Montréal)
Le pouvoir de la poire : contagion et subversion à Paris sous la monarchie de Juillet

Justine Gain (École Pratique des Hautes Études et École du Louvre)
L’architecture par l’ornement : les éclectismes du premier XIXe siècle

Sarah Alford (Alberta University of the Arts)
Art Botany in Nineteenth-Century Design Reform, 1835 – 1865

Linca Kucsinschi (Lyon 3 University)
Antiquities on display: An exhibition story, the presentation of the Petrossa treasure and other antiquities from Romania in Europe

Lucile Cordonnier (McGill University)
La modernité suspendue : Les temporalités du bois sacré chez Maurice Denis

Jeremy Reeves (Bard Graduate Center)
Appropriating imperialist masculinity: Indian arms and armour in British private collections, 1870-1914

The aim of the RAA19 (Research on Art and Architecture of the 19th century) is to encourage innovative studies of nineteenth-century art and architecture. This open session welcomes papers that examine theoretical issues or case studies that focus on any aspect of the art and architecture of the long nineteenth century, from 1789 to 1914. Special consideration will be given to papers that propose innovative issues or methodologies.


L’objectif du Réseau Art et Architecture du 19e siècle consiste à promouvoir le renouveau des recherches globales et interdisciplinaires sur le 19e siècle en histoire de l’art et de l’architecture. Cette session ouverte invite des propositions théoriques ou des études de cas qui couvrent des corpus issus du long 19 siècle, de 1789 à 1914. Une attention particulière sera donnée aux propositions qui font ressortir de nouvelles problématiques ou des méthodologies novatrices.

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